dimanche 7 décembre 2008

Compte rendu de la réunion publique sur la gestion de l’eau

Vous trouverez ci-dessous un compte rendu de la réunion publique organisée à l'initiative des Verts, du PS et du PC de Saint-Mandé et de Vincennes qui s'est tenue mercredi 3 décembre à Saint-Mandé. Cette réunion a rassemblé 45 personnes de nos deux communes, et les débats ont été très riches et animés, après l'intervention de Jean-Luc Touly, président de l'ACME (Association pour le contrat mondial de l'eau). J'ai tenté dans ce compte rendu de résumer ses propos, mais je vous invite à rendre aussi visite au site de l'ACME.
Sandra Provini

Jean-Luc Touly et Brigitte Arthur

Aujourd’hui, 1,5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable. Ce chiffre risque de doubler d’ici 2025. L’accès à l’eau sera certainement le plus grand problème du XXIe siècle. A l’occasion du Sommet du millénaire des Nations-Unies en 2000, les nations du monde entier se sont engagées à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement dont l’un est de « réduire de moitié, d’ici à 2015 , la proportion de la population n’ayant pas accès de manière durable à un approvisionnement en eau potable et à un système d’assainissement de base » mais l’on ne constate aujourd’hui quasiment aucun progrès, et l’on sait dorénavant que cet objectif ne pourra être atteint d’ici 2015.

Il y a une trentaine d’années, la communauté internationale avait décidé de considérer l’eau comme un « bien commun ». Mais depuis 1992, au sommet de Rio, l’eau est considérée comme un bien économique ayant une valeur marchande.

Le « marché mondial de l’eau » dominé par cinq grands groupes

L’existence de cinq entreprises mondiales dirigeant sans partage le marché de l’eau – les deux premières, Veolia-Vivendi et Suez-Lyonnaise des eaux étant françaises, les trois autres allemande, française (la SAUR) et américaine (cette dernière société reconstruit les canalisations en Irak et son président est Dick Cheney) – est largement responsable de cette situation. Si la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont prêté à des pays du sud pour la construction d’infrastructures, ces prêts ont été accordés à condition que les infrastructures soient gérées par ces entreprises privées.

En France, les deux grandes entreprises qui se partagent le marché de l’eau dominent plusieurs autres secteurs clé, comme l’énergie : Suez a racheté GDF, et Veolia attend EDF.

Historique : les entreprises françaises et le SEDIF

Au XIXe siècle, après l’invention du système de pression qui permet d’acheminer l’eau dans les appartements, la gestion de l’eau a été confiée aux élus locaux, qui ont utilisé un système de concessions à des entreprises privées, sur une longue durée (99 ans à l’origine, entre 12 et 20 ans en France aujourd’hui, entre 20 et 30 ans dans les pays du Sud).

Napoléon III a créé le 14 décembre 1853 la Compagnie générale des eaux (CGE), puis la Lyonnaise est née en 1880 et enfin la SAUR en 1933. En 1944, la CGE et la Lyonnaise ont échappé aux nationalisations effectuées par le Conseil national de la Résistance. Aujourd’hui, 80% des usagers français dépendent d’entreprises privées (55% de Veolia, 32% de la Lyonnaise, 13% de la Saur).

En 1922, les élus de la région parisienne se sont regroupés dans le SEDIF (Syndicat des eaux d’Ile-de-France) et ont conclu un contrat le 1er janvier 1923 avec la CGE jusqu’au 14 avril 1962. Le deuxième contrat, reconduit à cette date, court jusqu’au 31 décembre 2010 (toujours avec la CGE devenue Veolia). André Santini, qui a pris la tête du SEDIF en 1983, aura à cette date près de trente ans de mandat.

Des prix trop élevés

Les premiers doutes sur le bien-fondé de cette délégation de service public à Veolia se sont fait entendre en 1998, quand des élus de gauche ont demandé un audit qui a démontré qu’une baisse du prix de l’eau était possible (de 1,50 fr selon l’audit par m3, et André Santini a finalement fait baisser le prix de 0,50 fr). L’UFC Que choisir a confirmé les résultats de l’audit en 1999, puis la chambre des comptes en a fait autant. Une nouvelle enquête de l’UFC Que choisir, en février 2006, a prouvé que Veolia dégageait 58 % de marge nette annuelle. Une comparaison des prix entre l’Ile-de-France et Paris confirme le surcoût imposé par ce choix de la délégation de service public à une entreprise privée : le m3 vaut 2,80 € à Paris, 4 € en moyenne en IDF (entre 3,20 € et 5,30 € selon que les communes délèguent ou non l’assainissement de l’eau à Veolia; dans les cas où l’assainissement est en régie publique, le coût est inférieur). Or l’eau représente pour un ménage une facture annuelle de 400 à 500 euros, un chiffre considérable pour les plus démunis. La question mérite donc toute l’attention des élus.

Les enjeux du vote du 11 décembre prochain

Le SEDIF, dont l’assemblée est composée de 142 élus locaux, a réélu André Santini à sa tête début 2008 par 77 voix contre 55, signe que nombre d’élus ont pris conscience du problème. La décision de reconduire la délégation de service public à une entreprise privée a été reportée au 11 décembre prochain. La Lyonnaise et la Saur ont proposé de casser le SEDIF en plusieurs lots (géographiques ou techniques) pour introduire de la concurrence. Cela pourrait avoir pour effet de baisser les prix, mais le morcellement qu’une telle répartition induirait n’est pas souhaitable dans un domaine aussi crucial que l’eau.

Le dernier audit commandé par André Santini pour préparer le nouveau contrat a conclu qu’un passage en régie permettrait de faire baisser le prix de l’eau de 1,70 € HT / m3 sans l’assainissement à 1,45 €, tandis qu’en délégation au privé la baisse conduirait à un prix de 1,55 €, mais l’audit dans le même temps essaie de montrer que la régie est un système « moins fiable », sans véritable argument technique. Or les cabinets d’audit sont des filiales indirectes de Veolia, et leur expertise dans ce domaine peut donc légitimement être mise en doute.

Le passage en régie publique est de loin préférable : il s’agirait de remplacer Veolia par un seul acteur public (c’est ce qu’a fait Bertrand Delanoë à Paris) et de mettre en place :

- une baisse considérable du prix de l’eau (les villes de gauche et de droite qui sont revenues en régie, comme Cherbourg, Châtellerault, Neufchâteau, Venelles ou Castres, ont pu baisser le prix de 10 à 25 % tout en multipliant par 2 à 3 les investissements et en réduisant les fuites ; en moyenne en France, le prix du m3 en régie est de 2,5 € contre 3,5 € en délégation, avec un record de 4 € pour le SEDIF )

- une tarification progressive bénéfique sur les plans social et écologique (alors qu’aujourd’hui le tarif est dégressif, les premiers m3 consommés étant les plus chers tandis que les industries très consommatrices d’eau bénéficient de prix dégressifs)

- une meilleure gouvernance, sur le modèle de l’observatoire des usagers de Paris et de la commission consultative des services publics locaux (CCSPL) qui donnent un véritable droit de regard aux usagers sur la politique de l’eau

Par-delà ces avantages concrets, le passage en régie est aussi un enjeu politique : il s’agit de refuser la marchandisation de biens essentiels à la vie.

Si nos élus, le 11 décembre prochain, décidaient de voter non à la reconduction du contrat à une multinationale comme Veolia pour quinze ans comme le prévoit André Santini, il serait possible de prolonger d’un an ou deux le contrat actuel au-delà du 31 décembre 2010 pour préparer sereinement la transition vers la régie publique.

Nous invitons les usagers du SEDIF à venir assister à ce comité syndical décisif le jeudi 11 décembre à 10h à l’usine de production d’eau de Choisy-le-Roi (rue Guynemer).


1 commentaire:

Anonyme a dit…

"(...)les cabinets d’audit sont des filiales indirectes de Veolia(...)"
N'importe quoi...qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre...